Les scientifiques n'ont pas une idée très claire sur la genèse (le prodrome) de plusieurs maladies neurodégénératives. Par exemple il y a un débat récurrent sur l'origine anatomique de la SLA, commence-t-elle à la jonction neuro-musculaire ou dans le cerveau. Ce débat naît du fait que souvent les symptômes de la SLA apparaissent à l'extrémité d'un membre et il semble naturel de penser que le maladie naît là et s'étend dans le reste du corps.
Cependant cela n'est pas l'opinion majoritaire qui suit celle du docteur Charcot formée il y a plus de 100 ans, que la SLA naît dans le cerveau. Chaque camp revendique avoir apporté des preuves ou au moins des éléments très convaincants de sa thèse, mais pour un observateur un peu sceptique aucun camp n'est réellement convaincant.
Une nouvelle étude affirme apporter la preuve que la SLA naît dans le cerveau.
En fait c’est la vieille (~40 ans) hypothèse de l’exitotoxicité qui resurgit une nouvelle fois.
Celle-ci suggère qu’une hyperactivité persistante des neurones moteurs supérieures est la cause de leur dégénération. Le glutamate est souvent impliqué par les scientifiques comme cause d’excitotoxicité, mais un médecin présentera le même phénomène de façon plus concrête :
- Après un accident vasculaire cérébral (AVC) affectant le cortex moteur ou le faisceau corticospinal, certains neurones moteurs peuvent devenir hyperexcitables. Cela contribue à la spasticité et au clonus en phase chronique.
- L'hyperthyroïdie peut augmenter l'excitabilité neuronale, affectant parfois le cortex moteur.
Certains médicaments ou toxines (par exemple, certains stimulants, les organophosphorés notamment utilisés dans l’agriculture, certaines plantes, l’alcool) peuvent abaisser les seuils d'activation neuronale.
La privation de sommeil sur une longue durée a aussi cet effet.
Dans le cerveau, les neurones moteurs supérieures envoient de longs axones jusqu'à la moelle épinière, où ils se connectent (directement ou indirectement) aux motoneurones inférieurs (neurones moteurs supérieuresI), qui contrôlent à leur tour les muscles. En conditions normales, les neurones moteurs supérieures équilibrent excitation et inhibition pour produire des mouvements fluides et précis.
Lorsque les neurones moteurs supérieures deviennent hyperexcitables, cet équilibre est rompu. Ils déclenchent trop fréquemment leurs signaux en réponse à des entrées normales, car leur seuil d'activation est anormalement bas. Ils peuvent alors générer des pics d'activité qui sur-stimulent les neurones connectés.
Les travaux des auteurs étayent l'idée que (chez la souris de laboratoire) l'hyperexcitabilité corticale n'est pas seulement une conséquence de la SLA, mais peut être un facteur principal de l'apparition et de la progression de la maladie. En effet les auteurs ont testé directement la causalité, et non la corrélation de ces évènements.
Les chercheurs ont utilisé une approche chimio-génétique DREADD pour rendre artificiellement les motoneurones supérieurs du cortex moteur, hyperexcitables pendant des mois chez des souris adultes par ailleurs en bonne santé. Cependant la méthode utilisée est peu sélective du type de cellule (infection par AAV). Non seulement les souris ont présenté des signes comparables à ceux de la SLA chez les humains, mais au niveau moléculaire il y a aussi des éléments convergents comme la formation d’aggrégats de protéine TDP-43 dans le cytoplasme.
Il y a toutefois des éléments étonnants dans cette étude, par exemple le temps de chute ne semble pas avoir beaucoup varié entre le mesure effectuée au début et celle effectué à la fin de l'étude. Et on peut s'interroger pourquoi le groupe des souris traitées n'a pas la même performance en matière de chute que les autres groupes au début de l'étude.
De façon similaire, la force des souris modifiés génétiquement est nettement plus basse au début du traitement qu’à la fin, c’est l’inverse de ce qu’on pourrait attendre d’une souris qui serait de plus en plus affaiblie.
Et pourquoi ce groupe de souris aurait-il une force plus faible au début de l’expérience ? S’il n’y a pas de sélection à priori, les différents groupes de souris (traités et non traités) devraient avoir la même force.
Pour les auteurs l'hyperexcitabilité seule est suffisante pour produire des symptômes similaires à ceux de la SLA. C’est possible mais cela n’explique pas pourquoi la SLA apparaît en un endroit particulier de l’anatomie, ni n’explique les SLA causées par des anomalies génétiques. Par ailleurs on sait qu’un stress cellulaire persistant peut déclencher une SLA (ou d’autres maladies suivant les tissus atteints) quand la réponse cellulaire (ISR) est inadaptée.
Que conclure ? Les auteurs semblent être des stakhanovistes de la publication scientifique et avoir accès à des fonds conséquents. La plupart d'entre eux ont signé plusieurs articles par mois, quasiment tous les mois depuis des années. Cela semble carrément impossible dans le cadre d’une pratique professionnelle de qualité.