La cachexie cancéreuse désigne un trouble du métabolisme provoqué par un cancer, qui provoque chez le patient une consomption (cachexie) et un amaigrissement. La cachexie cancéreuse est une complication fréquente des maladies cancéreuses, en particulier dans le cas de tumeurs malignes de l'appareil digestif, et qui a des conséquences défavorables sur l'évolution de la maladie, sur la qualité de vie et le pronostic, et qui peut souvent devenir par elle-même immédiatement une menace vitale. La cachexie cancéreuse est un facteur important de la haute mortalité des maladies cancéreuses, on cite le chiffre de 20% à 30% des décès attribués au cancer comme résultant en fait d'une cachexie.
Pronostic
Le degré de gravité d'une cachexie cancéreuse est inversement corrélé au temps de vie moyen d'un patient cancéreux. C'est-à-dire que plus une cachexie cancéreuse est marquée, plus le temps de vie du patient est court. Fondamentalement, une cachexie cancéreuse est reliée à un mauvais pronostic pour le patient. Une perte de poids pendant une maladie cancéreuse est un facteur pronostic autonome. Une cachexie cancéreuse élève la probabilité de complications postopératoires et a aussi une influence négative sur le succès d'une chimiothérapie. Des patientes affectées de cancer du sein sans cachexie cancéreuse répondent en moyenne 2,5 fois mieux à une chimiothérapie que les patientes affectées de cachexie cancéreuse. Même une perte relativement faible de masse corporelle, comme inférieure à 5 % peut détériorer sensiblement le pronostic.
La chance de guérison ne réside que dans celle de la guérison de la maladie cancéreuse provoquant la cachexie cancéreuse. Les causes moléculaires et biochimiques qui conduisent à une cachexie cancéreuse sont hautement complexes et pas encore complètement élucidées, voire comprises. Un rôle important dans la formation de ce syndrome est joué par des produits métaboliques de la tumeur elle-même, et par des messagers chimiques, qui sont formés dans le corps du patient comme conséquence de la maladie cancéreuse. À ceci s'ajoutent des facteurs psychologiques ainsi que des effets secondaires des traitements anticancéreux, qui peuvent conduire à une perte d'appétit du patient. Contrairement à la perte de poids par sous-alimentation, la perte de substance dans la cachexie cancéreuse ne se limite pas aux réserves de graisse, mais fait aussi diminuer la musculature squelettique.
Il n'y a pour l'instant pas de traitement curatif efficace. Toutes les approches thérapeutiques essayées jusqu'à présent ne sont que palliatives, c'est-à-dire uniquement aux fins d'atténuer la maladie.
Classement et définition
La plupart des auteurs préfèrent pour la cachexie cancéreuse le concept de syndrome. En général, on décrit la cachexie comme un syndrome multifactoriel, qui s'attaque à toutes les parties du corps et qui peut être très simplement établi dans sa forme avancée par une perte massive de graisse subcutanée ainsi que de musculature squelettique. Actuellement, il n'y a pas de définition stricte ou standardisée pour la cachexie ni pour la cachexie cancéreuse, ce qui a été réclamé bien souvent, la situation étant inadéquate en raison de la haute prévalence et de la gravité de ce syndrome. La même chose est valable en ce qui concerne un classement de la gravité, une des raisons pour cela est le manque de biomarqueurs fiables, avec lesquels on pourrait caractériser le diagnostic de cachexie cancéreuse avec des valeurs mesurables.
Pour les études cliniques, on a utilisé jusqu'à maintenant des définitions très différentes pour la cachexie cancéreuse, orientées par exemple vers la perte de masse corporelle en pourcentage, ou le passage sous une valeur donnée de l'indice de masse corporelle. Le manque d'une définition stricte rend beaucoup plus difficile la comparaison entre diverses études cliniques.
L'absence de définition de la cachexie a des effets négatifs sur le diagnostic et le traitement des patients atteints. De même, le développement et l'autorisation de médicaments potentiels en sont rendus plus difficiles.
Une recommandation récente définit une cachexie quand :
la masse corporelle diminue de plus de 5 % en moins d'un an
et simultanément au moins trois des cinq critères suivants sont réunis :
perte de force musculaire
fatigue
anorexie
faible indice de masse non-grasse
valeurs biochimiques anormales :
valeurs élevées de biomarqueurs d'inflammation
anémie (Hb < 12 g/dl)
basse valeur de l'albumine sérique
Cependant, cette proposition de définition n'a pas encore été utilisée dans des études ni épidémiologiques ni cliniques.
Épidémiologie et importance en politique de santé
Environ 50 % de tous les malades du cancer sont atteints au cours de leur maladie de cachexie cancéreuse. La probabilité d'une cachexie cancéreuse y dépend très fortement du type de cancer. Après le sepsis (infection générale), la cachexie cancéreuse est la cause la plus courante de décès en cas de maladie cancéreuse. Selon les auteurs et les types de cancer considérés, la proportion des cachexies cancéreuses dans les causes de décès de cancer oscille de 20% à 80 %.
Le type de cancer joue un grand rôle dans la probabilité de survenue d'une cachexie cancéreuse. C'est ainsi que par exemple, environ 80 % des patients atteints d'un cancer du pancréas en meurent, et environ 30 à 50 % des patients avec un cancer dans le domaine du système digestif. Dans le cas des tumeurs du pancréas, l'incidence d'une cachexie cancéreuse, avec 80 % au moment du diagnostic du cancer, est la plus élevée. Dans le cas d'un cancer du système digestif (estomac-intestin), jusqu'à 85 % des malades peuvent subir une cachexie cancéreuse au cours de leur maladie. Les cas de tumeurs solides donnent une probabilité nettement supérieure de cachexie cancéreuse que les maladies cancéreuses du système hématopoïétique (leucémies, syndromes myélodysplasiques et autres néoplasies hématologiques malignes). Une exception parmi les tumeurs solides est représentée par le cancer du sein. Dans ce cas, la probabilité de cachexie cancéreuse est significativement plus basse. Le développement de la cachexie cancéreuse pour le même type de tumeur, est très variable selon le patient. La cachexie cancéreuse peut être observée chez un malade donné dans tous les stades du développement du cancer, mais se trouve particulièrement fréquente au stade terminal de la maladie.
Les enfants et les personnes âgées sont particulièrement fréquemment touchés par la cachexie cancéreuse.
En valeur absolue, la cachexie cancéreuse est l'une des causes de décès les plus fréquentes. En Allemagne, une estimation grossière conduit à 50 000 décès par an par cachexie cancéreuse. En raison du manque de définition de la cachexie cancéreuse et des pratiques usuelles d'établissement du certificat de décès, il n'y a pas de données statistiques disponibles.
Tableau clinique
Une cachexie cancéreuse est essentiellement caractérisée par une perte de poids du patient, souvent liée avec une anorexie (perte d'appétit), des signes d'inflammation, une résistance à l'insuline et une destruction de la musculature squelettique.
Alors que chez les personnes en bonne santé, une perte de poids est compensée par une augmentation de l'appétit, et par suite par une prise de nourriture augmentée, ceci n'est pas le cas chez les malades cachectiques. La cachexie cancéreuse provoque chez les malades atteints une faiblesse générale, une perte de force et une immobilité, ainsi qu'une fatigue, une perte de motivation et des dépressions, ce qui, à nouveau, conduit à une dégradation de la qualité de vie. La qualité de vie estimée par les personnes concernées est compromise substantiellement par la cachexie cancéreuse. Certains effets secondaires de la cachexie cancéreuse conduisent à une aggravation de ce syndrome par un effet de rétroaction (processus auto-amplificateur). Par exemple, la destruction des protéines musculaires conduit à une augmentation de la consommation d'énergie, ce qui à son tour conduit à une aggravation de la maladie. La perte d'appétit et la nausée conduisent à une diminution de la prise de nourriture et renforcent par là aussi l'état catabolique. La destruction des protéines est en fait limitée à la musculature squelettique. Les organes internes sont à peine concernés. Ce trait distingue aussi le tableau de la cachexie cancéreuse et celui de la malnutrition, dans laquelle - après épuisement des réserves de graisse - les protéines sont décomposées, aussi bien les squelettiques que les viscérales. La masse du foie peut même chez les patients cachectiques augmenter notablement en raison des activités métaboliques accrues et de la production de protéines de phase aiguë.
Diagnostic
Le diagnostic de la cachexie cancéreuse est très difficile dans la plupart des cas : Une perte de poids chez un patient du cancer n'est pas forcément une cachexie. Une série de facteurs psychologiques y jouent également un rôle, comme une atrésie ou une sténose du tractus digestif, qui peut être une conséquence de la croissance d'une tumeur. Des inflammations des muqueuses de la bouche (stomatite), de la sécheresse buccale ou des mycoses de la bouche (muguet buccal) sont des manifestations secondaires possibles d'un cancer, qui influencent négativement sur la prise d'aliments. Également, des mesures diagnostiques, ou avant tout thérapeutiques, en particulier la chimiothérapie ou la radiothérapie peuvent conduire à des pertes de poids par diminution de l'appétit. Même quand ces influences peuvent être exclues, il reste difficile de pratiquer un diagnostic certain. Actuellement, les critères les plus importants pour l'établissement du diagnostic sont l'anamnèse et l'examen corporel du patient. Le poids corporel avant le début de la maladie y sert de référence. Des recherches anthropométriques peuvent être entreprises pour le diagnostic de la cachexie cancéreuse. Celles-ci sont - outre la perte de poids déjà mentionnée - par exemple la mesure de la circonférence du bras ou l'épaisseur d'un pli de peau. La bio-impédance permet de mesurer la masse hors graisse du patient. Mais cette méthode n'est pas disponible dans bien des cliniques, et n'est pas encore établie comme standard de diagnostic de la cachexie cancéreuse.
Certains marqueurs biologiques peuvent être invoqués pour étayer le diagnostic. Leur pouvoir prédictif est cependant très limité par des modifications physiologiques - conditionnées par la maladie maligne de fond et certaines mesures thérapeutiques. Ce type de marqueurs biologiques appuyant le diagnostic peut être le contenu en albumine sérique, souvent diminué dans le cas de la cachexie cancéreuse, mais qui peut être falsifié par des perturbations fonctionnelles du foie ou du rein, éventuellement provoquées par la maladie. La concentration en protéine C réactive (CRP) peut souvent, à la suite d'une cachexie cancéreuse, être observée comme marqueurs biologiques. D'autres biomarqueurs typiques de l'inflammation, sont la transferrine, la transthyrétine et la ferroxidase. Par ailleurs, des marqueurs biologiques peuvent être observées pendant la maladie cancéreuse en l'absence de cachexie, si bien que ces marqueurs ne sont pas une mesure sûre pour la pose d'un diagnostic de cachexie. On peut aussi montrer dans le sang des patients des valeurs élevées de la concentration en glycérine et en catécholamines. La valeur élevée de la concentration en glycérine est due au catabolisme renforcé des graisses corporelles. Un symptôme secondaire de la cachexie cancéreuse est souvent une anémie.
Au moment du diagnostic de cancer, dans environ 80 % des cas de cancers du système digestif supérieur, et 60 % des patients avec un cancer du poumon, on note une perte de poids importante (plus de 10 % en six mois). Dans bien des cas, c'est la perte de poids remarquée par le patient lui-même qui est le premier symptôme du cancer, qui est alors -sur la base de l'examen médical- diagnostiqué comme cause de la perte de poids.
Au moment du diagnostic du cancer, jusqu'à 50 % se plaignent d'anorexie, une forme de perte d'appétit et de sensation prématurée de satiété.
Chapitres suivants de cette rubrique
Pathogenèse (mode d'apparition)
Thérapeutique et approches thérapeutiques futures