Loin des grandes ambitions largement infructueuses de la biologie moléculaire, voici une publication qui présente une recherche sur un lien de causalité entre l'arthrose du genou et la maladie d'Alzheimer. Ce lien consisterait dans les deux cas en une progression de l'inflammation chronique. Dans cette étude, l'accumulation d'amyloïde et la neurodégénérescence ont progressé plus rapidement chez les souris atteintes d'arthrose. L'inflammation aiguë peut être considérée comme la première ligne de défense contre les blessures infligées à un tissu. Le processus d'inflammation aiguë est initié par les cellules immunitaires résidentes déjà présentes dans le tissu impliqué. Ces cellules possèdent des récepteurs de surface appelés récepteur de reconnaissance de motifs moléculaires (PRR), qui peuvent reconnaître deux sous-classes de molécules, qui agissent comme signal déclencheur :
- les motif moléculaire associé aux pathogènes (PAMP). Les PAMP sont des composés qui sont associés à la présence d'un agent pathogène.
- les motif moléculaire associé aux dégâts (DAMP). Les DAMP sont des signaux de danger émis par les cellules de l'hôte, associés à des blessures ou à des dommages cellulaires.
L'arthrose du genou, aussi appelée gonarthrose, est la maladie articulaire la plus fréquente, touchant 10 % des hommes et 13 % des femmes de plus de 60 ans. Selon Xue, en 2018, la prévalence de la démence dans un groupe arthrosique était plus élevée que celle du groupe non arthrosiqueet le traitement de l'arthrose a réduit le risque de démence. Malgré les études épidémiologiques en cours sur la corrélation entre la démence et l'arthrose, il n'existe toujours aucune preuve directe montrant sa relation causale.
Les médicaments actuels contre la maladie d'Alzheimer, n'améliorent le déclin cognitif que temporairement et ne peuvent pas arrêter ou inverser la progression de la démence.
L'activation inflammatoire de la microglie est considérée comme un marqueur pathologique et un mécanisme important de la progression des maladies cérébrales dégénératives. Mais on ne sait pas comment les maladies inflammatoires périphériques affectent la neuroinflammation. On ne connait pas non plus le mécanisme par lequel apparait la maladie d'Alzheimer ou l'arthrose.
On pense que l'arthrose est un facteur de risque de démence; cependant, en fait, plusieurs études cliniques n'ont pas trouvé de corrélation avec la maladie d'Alzheimer. C'est peut-être parce que la plupart des patients souffrant d'arthrite prennent des anti-inflammatoires pendant une longue période.
Les souris transgéniques 5xFAD, qui portent cinq mutations maladie d'Alzheimer humaines différentes, ont été utilisées dans cette étude. Les pathologies de la maladie d'Alzheimer, y compris la neuroinflammation, le dépôt de plaque amyloïde et les déficits cognitifs, sont clairement apparues après l'âge de 6 mois. Par conséquent, une déstabilisation chirurgicale du ménisque médial chirurgical a été réalisé par les scientifiques Coréens sur des souris âgées de 3 mois pour induire l'arthrose avant l'apparition de la maladie d'Alzheimer. Les tissus du cerveau et du genou ont été prélevés 4 mois après la chirurgie. Cela a conduit à une perte lente et progressive du cartilage articulaire, qui ressemblait aux conditions humaines d'arthrose.
Dans le cerveau des patients atteints de démence, les cellules composant la microglie qui sont principalement responsables de l'immunité cérébrale, prennent un phénotype différent. En particulier, la microglie autour des plaques amyloïdes existe sous une forme dans laquelle la capacité à éliminer les substances toxiques et à sécréter des substances régénérantes est perdue. Un dysfonctionnement de la microglie et une sécrétion accrue de facteurs neurotoxiques, tels que des cytokines inflammatoires excessives, des espèces réactives de l'oxygène et du NO, sont couramment observés dans le cerveau de la maladie d'Alzheimer, entraînant la mort des cellules neuronales et la perte de synapses, accélérant par conséquent la progression des maladies neurodégénératives.
Plusieurs mécanismes possibles peuvent expliquer comment l'arthrose du genou peut exacerber la neuroinflammation. L'arthrose est associée à des taux significativement plus élevés de cytokines pro-inflammatoires sanguines IL-1β, IL-6 et de protéine C-réactive (CRP). Les taux sanguins de CRP reflètent une inflammation locale des articulations chez les patients atteints d'arthrose avancée, et l'IL-1β et la CRP sont des facteurs de risque importants pour le développement de la maladie d'Alzheimer. L'IL-1β est également connu pour stimuler la production de protéines précurseurs de la β-amyloïde, régulant ainsi le dépôt de plaque amyloïde dans le cerveau de la maladie d'Alzheimer. De plus, l'IL-1β et le TNF-α peuvent traverser la barrière hémato-encéphalique, induisant par la suite une activation microgliale et entraînant une neuroinflammation et une neurodégénérescence.
La distance totale parcourue par les souris atteintes d'arthrose induite par la déstabilisation chirurgicale du ménisque médial était plus courte que celle des souris factices. Par conséquent, les chercheurs ne pouvent pas exclure que la physiopathologie de la maladie d'Alzheimer ait été exacerbée par la diminution de l'activité physique détectée chez les souris atteintes d'arthrose.
En conclusion, l'arthrose semble être un facteur de risque de la maladie d'Alzheimer.