La fin de l'hypothèse des plaques d'amyloide pour la maladie d'Alzheimer
Près de deux décennies se sont écoulées depuis qu’un médicament contre la maladie d’Alzheimer a été approuvé. Cela aussi fait penser à la situation de la SLA.
Les chercheurs travaillant sur la maladie d’Alzheimer, ont élargi leurs approches après des années consacrées à l’hypothèse dite de l’amyloïde, selon laquelle l’accumulation d’une protéine appelée bêta-amyloïde dans des plaques du cerveau était à l’origine de la maladie. En effet les essais de médicaments qui devaient éliminer ces plaques, ont tous régulièrement échoués chez les patients. D'ailleurs cette situation est similaire à celle de la SLA et d'autres maladies neurodégénératives. Peut-être que nos concepts fondamentaux, concernant ces maladies, sont erronés.
En octobre 2019, toutefois, le fabricant de médicament Biogen a annoncé qu’il allait tenter de faire approuver par la Food and Drug Administration un médicament anti-amyloïde appelé aducanumab, qui auvait échoué lors de deux essais précédents. La société a déclaré qu'une nouvelle analyse de certaines des données de l'essai avait montré une réduction du déclin cognitif chez certains patients atteints d'une maladie d'Alzheimer précoce.
Le microbiote intestinal
Le microbiote intestinal se modifie avant l’apparition de la maladie d’Alzheimer et ces altérations peuvent déjà être détectées au stade de la déficience cognitive légère. Il y a une relation certaine entre les plaques amyloides et certains microbes. Plusieurs espèces bactériennes, notamment Bacillus subtilis, E. coli, Mycobacterium tuberculosis, Salmonella enterica, Salmonella typhimurium et Staphylococcus aureus, sont capables de produire des fibres amyloïdes. Tout ce passe comme si au lieu d'être un organisme parfait, conforme aux livres d'écoles, le corps humain agé se chargeait au fil des années de parasites et de débris divers à la façon d'une vieille coque de bateau.
Des études précédentes ont ainsi montré une corrélation entre les genres Escherichia, Blautia, Bifidobacterium, Streptococcus, Lactobacillus et Dorea et l'apparition de la maladie d'Alzheimer. Par contre le genre bacteroides pourrait être l'un des facteurs de protection du microbiote. En effet dans les mêmes études, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et de troubles cognitifs légers présentent une diminution du nombre de Bacteroides, ce qui pourrait s’expliquer par sa capacité à protéger la barrière intestinale.
En septembre, un groupe de scientifiques chinois, dont certains employés par la société la Green Valley, a publié une étude dans la revue Cell Research qui soulignait le lien chez la souris entre un microbiome intestinal altéré et la neuroinflammation.
Ils ont rapporté que l'oligomannate supprime le déséquilibre bactérien dans le système digestif des souris et inverse les troubles de la cognition. Ils suggèrent une nouvelle stratégie pour les traitements d'Alzheimer en remodelant la microbiote intestinale. Cependant la prudence s'impose alors, car des milliers de thérapies expérimentales ont guéri un nombre considérable de maladies chez la souris sans jamais montrer de bénéfice chez l'homme, mais les résultats de l'essai clinique de phase III changent la donne.
Autorisation de mise sur le Marché
Ce nouveau traitement pour la maladie d’Alzheimer a été approuvé sous condition par les autorités de réglementation chinoises, ce qui en fait le premier médicament auto-développé par la Chine pour le traitement de la forme la plus courante de démence, qui touche environ 50 millions de personnes dans le monde.
Il s'agit d'un médicament contre la maladie d’Alzheimer dérivé d’algues marines brunes. Le médicament, approuvé dans le cadre du système d’examen des priorités de la Chine, a été mis au point conjointement par l’Université Ocean de Chine, l’Institut des matériaux médicaux de Shanghai (SIMM) et Shanghai Green Valley Pharmaceuticals au cours de 22 années d’efforts intensifs de recherche.
La société Shanghai Green Valley Pharmaceuticals a déclaré que son médicament, l’oligomannate, avait amélioré la fonction cognitive des patients atteints de la maladie d’Alzheimer légère à modérée par rapport au placebo, dans un essai clinique de phase 3. Dans une déclaration samedi 2 Novembre, la National Medical Products Administration de Chine a déclaré que l'oligomannate, est sans danger pour le traitement de "la maladie d'Alzheimer légère à modérée et pourrait améliorer les fonctions cognitives des patients", ajoutant que des recherches plus poussées à long terme sont toujours nécessaires après l'approbation du médicament. GV-971 est un mélange d’oligosaccharides linéaires acides allant de dimères à décamères (poids moléculaire jusqu’à ~ 1 kDa).
Comment ça marche
Au lieu d’être conçu pour éliminer les accumulations de protéines dans le cerveau, comme c’est le cas de dizaines de traitements expérimentaux pour la maladie d’Alzheimer, l’oligomannate module la relation entre le cerveau et les communautés bactériennes de l’intestin, appelée microbiome.
Pour les chercheurs Chinois la dysbiose du microbiote intestinal implique l'infiltration de diverses cellules immunitaires périphériques, y compris les cellules T CD4 + et CD8 +, les cellules B, les cellules NK (Natural Killer), les neutrophiles, les cellules dendritiques (CD) et les monocytes, jusqu'au cerveau. Parmi elles, les cellules Th1 ont été particulièrement remarquées pour leur association étroite avec l’activation de la microglie M1 au cours de la progression de la maladie d’Alzheimer. Les auteurs proposent que la dysbiose intestinale favorise l'infiltration des cellules Th1 afin d'activer avec la microglie M1 et déclencher sa différenciation vers un état pro-inflammatoire.
Essais cliniques
Geng Meiyu, scientifique de l’équipe et professeur à SIMM, a déclaré lors d’une conférence de presse, dimanche 3 Novembre que l’oligomannate était efficace pour remettre en état le microbiote intestinal, le décrivant comme «une grande innovation». Lü Songtao, président de Green Valley Pharmaceuticals, a déclaré que le médicament être lancée en Chine d’ici la fin de l’année et qu’une troisième phase d’essais cliniques sera menée aux États-Unis. Green Valley a également annoncé qu'elle lancerait un essai mondial de phase 3 l'année prochaine dans plusieurs autres pays. Le prix de ce médicament est encore en cours de détermination.
Le prochain essai comprendrait plus de personnes que les quelque 800 personnes inscrites dans l'essai de phase 3 précédent. L'essai achevé n'a pas été conçu pour démontrer que le médicament avait apparemment fonctionné selon le mécanisme théorisé par les chercheurs, mais le prochain essai mondial tentera de le montrer.