Une étude a été récemment rapportée dans la presse comme prometteuse pour guérir de la SLA. Bien que le contenu rapporté par la presse soit exact, l'interprétation par des membres de la communauté SLA est erronée: Il n'y a pas (encore) de piste pour guérir de la SLA, mais par contre l'étude renforce et précise le lien que l'on soupçonne depuis longtemps entre la SLA et le métabolisme.
Environ 10 à 20% des cas de sclérose latérale amyotrophique sont familiaux, la mutation C9orf72 étant la cause la plus fréquente des SLA familiales. Les mécanismes pathologiques de la mutation C9orf72 de la SLA restent flous. En effet la perte de fonction induite par une mutation de C9orf72 seule, ne contribue pas aux déficits du transport axonal rapide lysosomal dans les motoneurones C9orf72 dérivés de cellules souches.
Des besoins en énergies énormes
Les processus impliqués dans le fonctionnement des motoneurones sont tous très consommateurs d'énergie, ce qui soulève la question de savoir si les altérations du métabolisme énergétique contribuent à un transport axonal défectueux. Mis à part des altérations de la machinerie des microtubules observées dans une mutation rare causant la SLA: FUS, jusqu’à la présente étude, il n'avait cependant pas été démontré que le métabolisme des motoneurones issus de patients atteints de la SLA différaient des motoneurones sains.
OXPHOS est la voie métabolique des mitochondries
En ce qui concerne leur approvisionnement en énergie, les neurones, contrairement aux astrocytes , dépendent principalement de la phosphorylation oxydative mitochondriale. La phosphorylation oxydative (ou OXPHOS) est la voie métabolique dans laquelle les cellules utilisent des enzymes pour catalyser l’oxydation les substances nutritives, libérant ainsi l’énergie nécessaire pour former l’ATP. Dans presque tous les eucaryotes aérobies, la phosphorylation oxydative se déroule à l’intérieur des mitochondries. Au cours de la phosphorylation oxydative, les électrons sont transférés de donneurs d’électrons aux accepteurs d’électrons tels que l’ oxygène, via des réactions d’oxydoréduction. Ces réactions d’ oxydoréduction libèrent de l’énergie qui est utilisée pour former l’ATP. Cette voie très efficace pour générer de l’énergie, par rapport à d’autres processus utilisant la fermentation tels que la glycolyse anaérobie.
L'importance de l'énergie issue des mitochondries dans le transport axonal
L'extraordinaire longueur des axones motoneurone - 20 000 fois plus longue que le diamètre de leur soma - suggère une vulnérabilité métabolique particulière des motoneurones aux déficits des processus clés impliqués dans le maintien de la forme et de la fonction de l'axone.
Le transport de la cargaison mitochondriale, contrairement au transport vésiculaire, dépend de la disponibilité de l'ATP mitochondrial. Un transport défectueux de la cargaison vers l'axone distal a été signalé dans plusieurs types de SLA, et pas seulement dans les gènes impliqués dans le transport de protéines dans l'axone. Il est bien établi à partir de modèles animaux de SLA que le ciblage de l'axone entraîne un retard dans la progression de la maladie et une amélioration de la survie et que la prévention de la seule perte de motoneurone, mais pas de la dégénérescence axonale, est insuffisante pour favoriser la survie des patients.
Mise en évidence d'un transport axonal modifié
Pour mieux comprendre cette question, les scientifiques ont étudié des lignées de cellules souches pluripotentes induites dérivées d'autopsie de patients contenant la mutation la plus courante causant la SLA, C9orf72. Ces cellules souches ont été maturées en motoneurones. Ils démontrent alors que les motoneurones atteints de la mutation C9orf72 ont (in vitro) des axones plus court, un transport axonal de la cargaison mitochondriale qui est altéré et un métabolisme mitochondrial modifié.
Les scientifiques montrent alors, que cette dérégulation est sélective pour les neurones spinaux (moteurs) de la corne antérieure, et est absente dans les neurones spinaux (sensoriels) de la corne dorsale(dérégulation dans les motoneurones spinaux de la corne ventrale, mais pas dans les neurones sensoriels de la corne dorsale correspondante).
Une thérapie génique manipulant PGC1α rétablit un bon phénotype des motoneurones mutés et de leurs axones
Les scientifiques ont alors réalisé par thérapie génique une altération du génome des mitochondries dans les motoneurones porteurs de la mutation C9orf72 qui sont issus des cellules souches. Cette altération du génome a corrigé le déficit métabolique et a également sauvé la longueur axonale et les phénotypes de transport.
Les scientifiques ont pu stimuler la fonction mitochondriale (et la biogenèse) grâce à la manipulation de son régulateur principal, PGC1α, conduisant au sauvetage des phénotypes axonaux, fournissant un nouveau lien mécanique entre la bioénergétique mitochondriale. et un dysfonctionnement axonal.
Un lien avec TDP-43?
Ces données suggèrent que le ciblage de la voie PGC1α peut être très pertinent pour la neurodégénérescence, car il est possible qu'il y ait d'autres mécanismes conduisant aux dysfonctionnements axonaux observés dans les motoneurones atteints de la mutation C9orf72. Par exemple, des découvertes récentes montrent que les protéines répétées du dipeptide C9orf72 peuvent conduire à une agrégation cytoplasmique de TDP-43. Ainsi, la pathologie du TDP-43, observée dans la grande majorité des cas de SLA, dont C9orf72, module l'homéostasie mitochondriale en régulant le traitement des transcriptions mitochondriales.
A l'inverse, TDP-43 exerce une toxicité en pénétrant dans les mitochondries et en altérant spécifiquement le complexe OXPHOS I et en inhibant sa traduction ce qui provoque un dysfonctionnement mitochondrial.
Enfin, des travaux récents d'Onesto et al. ont montré qu'il existe une biogenèse mitochondriale compensatoire, comme en témoigne la régulation à la hausse de PGC1α, dans les fibroblastes dermiques dérivés de patients atteints de la mutation C9orf72 de la SLA.
Cela suggère que, malgré les effets délétères de la mutation, la plupart des types de cellules peuvent compenser le dysfonctionnement mitochondrial en stimulant la biogenèse. La vulnérabilité spécifique aux motoneurones pourrait résulter en partie d'une incapacité de ceux-ci à moduler ce mécanisme homéostatique quand ils font face à une dépense énergétique trop important.