Certains médicaments anti-amyloïdes récents sont-ils vraiment efficaces?

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La question de savoir si les essais de médicaments anti-amyloïdes réussissent ou non fait l’objet de nombreux débats depuis quelques années. L'aducanumab est un anticorps monoclonal dirigé contre un épitope conformationnel présent sur les peptides Aβ. Le 7 juin 2021, la FDA a approuvé l'aducanumab (de marque Aduhelm par Biogen) pour le traitement de la maladie d'Alzheimer. Christopher Van Dyck, l'investigateur principal de l'essai clinique, avait déclaré à l'époque que le Lecanemab réduisait le déclin clinique de 27 %. Vous serez probablement très sensible à ce chiffre si c'est votre parent qui souffre de la maladie d'Alzheimer, mais en fait il n'y avait qu’une infime différence entre la progression de la maladie dans les deux groupes de l'essai. enter image description here Initialement le comité consultatif de la FDA avait recommandé de refuser d'approuver l’aducanumab, mais la FDA a ensuite approuvé ce médicament sous condition. Cela a donné lieu à une enquête du Congrès concernant des contacts inappropriés entre la FDA et Biogen pendant le processus d'approbation. À ce jour, Aduhelm n’a été approuvé nulle part ailleurs dans le monde, à l’exception des Émirats arabes unis.

Le problème pour la FDA est qu’il existe des organisations de patients très puissantes qui demandent avec une insistance extrême la mise sur le marché de nouveaux médicaments, et ce quelle que soit leur efficacité. Ce phénomène social se voit dans plusieurs maladies neurodégénératives (cf SLA) et parfois les organisations de patients ont un intérêt financier dans la commercialisation de ces médicaments, d'où l'appel permanent à toujours plus d'argent "pour la recherche".

Des scientifiques poussent même actuellement à changer la manière dont la maladie d'Alzheimer est diagnostiquée, en privilégiant des biomarqueurs de la maladie, la protéine Tau et la bêta-amyloïde, pltôt qu'une mesure du déficit cognitif. S’ils réussissent, les sociétés pharmaceutiques auront beaucoup moins de fardeau à prouver l’efficacité de leurs médicaments.

Dans les essais sur la maladie d'Alzheimer, plusieurs anticorps monoclonaux contre les peptides Aβ, les oligomères, les fibrilles et les amyloïdes ont réduit les dépôts amyloïdes cérébraux détectés par imagerie TEP, mais ils n'ont pas ralenti le déclin cognitif. Au contraire, leur utilisation a toujours entraîné des problèmes de santé importants causés par des événements indésirables dus à des anomalies d’imagerie liées à l’amyloïde (ARIA), comme le montrent les images d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Ils ont été associés à des œdèmes cérébraux et à des hémorragies cérébrales pouvant être mortelles.

L'idée d'utiliser des anticorps anti-Aβ dans l'immunothérapie de la maladie d'Alzheimer est basée sur l'hypothèse amyloïde, qui propose que les formations amyloïdes du peptide Aβ dans le cerveau soient à l'origine de la maladie d'Alzheimer. Cette hypothèse a elle même beaucoup varié au fil du temps et des déconvenues. Ainsi, l'hypothèse prédit que l'élimination de l'amyloïde cérébral fournit un traitement pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer, et que la prévention de la formation d'amyloïde cérébral inhibe le développement de la maladie d'Alzheimer. Depuis sa formulation en 1991-1992, l’hypothèse amyloïde a été testée dans des centaines d’essais cliniques et s’est youjours révélée inopérante.

Un scientifique, Markku Kurkinen, qui travaille avec la société NeuroActiva qui développe des médicaments contre la maladie d'Alzheimer et qui est professeur à la Wayne State University School of Medicine, revient en détail sur l'essai clinique de van Dyck et al. (2023) (le professeur Christopher Van Dyck enseigne à puissante université de Yale) intitulé « Lecanemab in early Alzheimer's Disease », publié dans The New England Journal of Medicine le 5 janvier 2023.

Markku Kurkinen observe que dans cet essai de 18 mois, le lécanemab n'a pas ralenti le déclin cognitif chez les femmes. Ceci est particulièrement important car les femmes courent un risque deux fois plus élevé de développer la maladie d'Alzheimer que les hommes, c'est-à-dire qu'il y a 2 fois plus de femmes que d'hommes vivant avec la maladie d'Alzheimer. Autre point le lécanemab n'a pas ralenti le déclin cognitif chez les porteurs d'APOE4 ; cela a plutôt accentué le déclin du nombre de participants à l’étude possédant 2 gènes APOE4. C'est une mauvaise nouvelle pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer, dont 60 à 75 % sont porteurs d'au moins 1 gène APOE4.

Pour Markku Kurkinen, l’article de Van Dyck et al. présente aussi des problèmes importants dans la manière dont les résultats sont présentés, interprétés et discutés. La caractéristique la plus frappante est l’absence de rapport textuel sur les résultats négatifs chez les femmes et les porteurs d’APOE4, soit la majorité des participants à l’étude. Ces résultats sont seulement montrés dans des graphiques Ces données ne peuvent être trouvées que dans la figure S1B de l'annexe supplémentaire. Les mots « homme » et « femme » ou « mâle » et « femelle » n’ont jamais été utilisés dans le texte.

Markku Kurkinen demande pourquoi ces résultats n'ont pas été divulgués dans le résumé, les résultats ou la discussion de l'article, mais ont été cachés dans la figure S1B et passés sous silence ?

Cette étrange pratique consistant à rapporter sélectivement les données et frisant l’obstruction de la science a donné lieu à des informations et des commentaires qui n’ont fait que désinformer le public sur l’étude sur le lécanemab et sur les bénéfices cliniques du lécanemab, sans aucune allusion à l’absence de bénéfices.

Ce n'est que récemment que ces problèmes, ainsi que d'autres, signalés dans l'article de van Dyck et al. ont été soulevés dans les 4 lettres « Lettre à l'éditeur » publiées dans le New England Journal of Medicine le 27 avril 2023. L'une des lettres provenait de Valenzuela. et Pascual-Leone, qui a écrit : « Nous sommes préoccupés par le manque possible d’efficacité thérapeutique chez les femmes participant à l’essai mené par van Dyck et ses collègues. »

Markku Kurkinen interroge également la spécificité et la sensibilité de la procédure de mesure de l’amyloïde Aβ dans le cerveau (PET).



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